Résumé | (Sommaire) Les articles dans ce volume tirent leur origine dans des exposés présentés à l'occasion d'une session spéciale sur les enjeux de l'estuaire du fleuve Fraser, dans le cadre d'une
conférence de la section du Pacifique de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS). Les responsables de cette session ont voulu lui donner un caractère multidisciplinaire, afin de traiter dans toute leur complexité les questions
qui touchent le delta et l'estuaire du Fraser. La conférence a eu lieu en 1995; diverses circonstances ont toutefois retardé la production du présent bulletin. Si les auteurs, à titre d'experts dans leurs domaines respectifs, ont peut-être
l'impression que l'information qu'ils ont présentée est maintenant dépassée, les enjeux qu'ils ont évoqués conservent toute leur pertinence. Le présent volume réunit des articles portant sur des sujets divers, dans le but de présenter un éventail
d'enjeux relatifs au delta du Fraser. Ce n'est qu'au moyen d'études scientifiques et sociales intégrées, comme celles que nous présentons ici, que nous parviendrons à réduire les problèmes au minimum et à maximiser l'efficacité de la planification de
l'intendance et du développement à venir du delta du Fraser. Les coordonnateurs de ce volume tiennent à remercier les auteurs de la patience dont ils ont fait preuve. Tout au long de son histoire, l'humanité a été attirée par les deltas, qui sont
des régions riches, fertiles et productives pour la chasse, la pêche, la cueillette et l'agriculture. En outre, ces régions se prêtent bien à l'établissement de voies de transport terrestre ou maritime (fleuve ou océan) et sont des endroits idéaux
pour établir des villages et des villes, à cause de leur topographie plane et unie, de leurs sols meubles et de la disponibilité de matériaux de construction (p. ex. le bois et les granulats). Les deltas sont aussi des zones très productives en
termes de faune et de flore, ainsi que des milieux hydrologiques et géologiques des plus dynamiques. Tous ces facteurs font des deltas des régions où, plus que partout ailleurs, les humains interagissent avec les milieux naturels et ont des impacts
sur ces milieux. Le delta du Fraser ne fait certes pas exception à la règle. Le delta du Fraser, qui était déjà un centre d'activité important pour les Premières nations avant l'arrivée des colons européens, rassemble aujourd'hui une population de
plus de deux millions d'habitants, en plus de servir de corridor d'accès à la majeure partie de l'Ouest canadien. Pendant sa courte histoire moderne, il a été fortement touché par les contrecoups de l'activité humaine. Le présent volume traite des
effets de l'activité humaine sur le delta du Fraser, et de la façon dont celui-ci à son tour influe ou pourrait influer sur ses habitants humains. Sommaire des articles Géologie et géographie Pour mettre en contexte la discussion d'enjeux relatifs à
l'occupation humaine du delta du Fraser et de ses environs, il faut comprendre le développement géologique de la région ainsi que son cadre géologique actuel. Groulx et Mustard présentent une vue d'ensemble riche d'enseignements. La tectonique exerce
une influence de premier ordre sur la géographie. La région est située dans une zone de grande activité tectonique où la plaque océanique Juan de Fuca rencontre la plaque nord-américaine et glisse sous celle-ci par subduction. Les forces tectoniques
qui en résultent sont à l'origine de la chaîne Côtière, source de sédiments pour le fleuve Fraser, ainsi que du bassin de Géorgie, dans lequel le Fraser se jette et dépose sa charge de sédiments, formant ainsi le delta. La glaciation exerce une
influence de second ordre sur la géographie. Au cours des quelques derniers millions d'années, la région a été recouverte plusieurs fois par des nappes glaciaires, la dernière ayant été l'Inlandsis de la Cordillère, au cours du stade glaciaire de
Fraser, il y a de 25 000 à 10 000 ans. Ces glaciers ont sculpté le paysage, creusant la vallée aux parois escarpées et en couvrant le fond et les parois d'épaisses couches de sédiments. Les processus fluviaux résultant de l'écoulement du Fraser
exercent la troisième forme d'influence, la plus directe d'ailleurs, sur le développement du delta. La rapidité du courant, l'important volume d'eau et l'énorme charge sédimentaire du Fraser à sa jonction avec le détroit de Georgia ont entraîné la
formation du delta dans sa forme actuelle en créant plus de 625 km2 de nouvelles terres dans le détroit de Georgia au cours des 10 000 dernières années seulement. Les forces géologiques qui sont à l'origine du delta du Fraser sont aussi une source
de risques considérables. Le cadre tectonique est susceptible de causer des tremblements de terre destructeurs; en outre, le terrain abrupt et le sol meuble sont favorables aux glissements de terrain et à la liquéfaction du sol. Mosher, Christian,
Hunter et Luternauer examinent les risques posés par la forte sismicité de la région et présentent un survol des techniques modernes qui servent à identifier et à évaluer ces risques. Leurs données géotechniques, ainsi que l'analyse des mouvements du
sol liés aux tremblements de terre récents, suggèrent que la couche sédimentaire de 10 à 20 m d'épaisseur qui recouvre une grande partie du delta, sur terre comme au large, est susceptible à la liquéfaction - pouvant entraîner des glissements - dans
l'éventualité d'un tremblement de terre important (M>5,0). La région se développe toutefois de plus en plus : la croissance de collectivités comme Richmond, Delta et Ladner s'accompagne de l'expansion des infrastructures de soutien, notamment les
routes, les chemins de fer et les installations portuaires, sans parler des industries soutenues par le delta (p. ex. l'agriculture, la pêche, l'extraction de granulats). Il faudra tenir compte de ces risques importants au cours du développement
futur de la vallée et du delta du Fraser. Les connaissances géologiques jouent donc un rôle de premier plan; il faut les considérer comme point de départ si on veut en arriver à des décisions éclairées et efficaces quant à l'utilisation du
territoire. Kostaschuk et Luternauer discutent des processus sédimentaires qui prennent place dans les chenaux de l'estuaire du Fraser, et des liens entre ces processus et les voies de transport des contaminants. Dans le chenal principal, les
processus sédimentaires sont régis par le débit et la charge solide du fleuve, par les marées et par l'intrusion de l'eau salée. Au cours du dernier siècle, on a confiné les chenaux fluviaux, ce qui les a empêchés de migrer comme ils ont tendance à
le faire naturellement. On retire du sable du lit fluvial par dragage afin de préserver les voies de navigation et d'obtenir des granulats pour la construction. Le confinement et le dragage ont pour effet de canaliser l'écoulement et de limiter le
mouvement du sable à un étroit corridor, ce qui entraîne le dépôt de sédiments à l'embouchure du fleuve. Les matériaux accumulés finissent par glisser, par des processus de mouvement de masse, le long de la pente frontale du delta jusque dans les
eaux profondes du détroit de Georgia. Le sable qui remplaçait autrefois les sédiments enlevés par l'érosion côtière des bas-fonds intertidaux se perd maintenant en eau profonde. Cette perte de sédiments se répercute sur l'habitat intertidal et risque
d'accélérer l'érosion des pentes ailleurs dans le delta. Habitat faunique Adams et Williams, Harrison et Dunn, puis Levings examinent les effets de la perte et de la protection des habitats sur la faune de l'estuaire du Fraser. Beaucoup d'espèces
fréquentent plusieurs habitats au cours de leur cycle de vie, ce qui rend extrêmement complexe la définition des habitats essentiels particuliers à chaque espèce. Cette complexité est accentuée par le fait qu'il y a relativement peu d'investissement
dans la recherche visant à documenter la dynamique du changement dans ces régions biophysiques. D'autres grands estuaires de la côte ouest de l'Amérique du Nord ont bénéficié de recherche et de surveillance écologiques beaucoup plus poussées. Les
régions subtidales, intertidales et même agricoles renferment des habitats essentiels pour la faune. La salinité et l'inondation due à la marée, qui sont liées à la position du coin salé dans l'estuaire, régissent la répartition des espèces végétales
(et donc celle des espèces animales) dans ces régions. Ces influences donnent lieu à des assemblages distincts d'espèces d'eau salée, saumâtre ou douce dans différentes parties de l'estuaire. Dans le passé récent, les régions intertidales n'ont reçu
qu'une faible sédimentation et se sont érodées, suite à l'élimination de l'apport sédimentaire et à la construction d'infrastructures sur les bas-fonds intertidaux; les régions intertidales ont été modifiées par la construction de digues; la
superficie des milieux humides des basses terres du Fraser a au cours du dernier siècle été réduite des trois quarts par le remplissage et l'irrigation; et les terres agricoles ont constamment subi la pression du développement urbain. L'extraction de
l'eau douce pour l'irrigation a permis au coin salé de se déplacer plus loin que jamais vers l'intérieur des terres. Les effets de l'urbanisation ne sont cependant pas toujours négatifs. Des infrastructures telles que le Deltaport de Vancouver et la
gare maritime de la British Columbia Ferry Corporation ont eu des impacts profonds sur la région; néanmoins, les herbiers marins du sud du banc Roberts, de la baie Boundary et de la baie Semiahmoo gagnent en superficie depuis quelques décennies à
cause de l'amélioration des conditions de croissance et de l'introduction de l'espèce Zostera japonica. L'habitat semble résister à bien des changements environnementaux. Les régions où poussent les zostères servent d'habitat à une faune variée, dont
notamment des oiseaux aquatiques. Pollution et contamination De nombreux contaminants organiques et inorganiques sont adsorbés sur les particules de boue qui sont transportées en suspension et se déposent dans l'estuaire et dans le détroit de
Georgia; ce sujet est traité par Vingarzan et Sekela, ainsi que par Bendell-Young et d'autres. Quel que soit le point d'entrée des contaminants dans le fleuve, leur présence porte à l'inquiétude, car ils peuvent finir par se déplacer et se déposer
dans les sédiments estuariens. Les principales sources de contaminants organiques sont les usines de pâtes et papiers, les installations municipales de traitement des eaux usées, le ruissellement urbain, les scieries, les installations de traitement
du bois, le ruissellement agricole et le dépôt par voie atmosphérique. Jusqu'à 300 km en aval des usines de pâtes et papiers, on a trouvé des dioxines, des furanes, des dérivés chlorophénoliques et des acides résiniques en concentrations plus élevées
que dans des lieux de référence non touchés. Les variations hydrologiques saisonnières ont cependant une influence évidente sur la teneur en contaminants. On a constaté que la teneur en dioxines et en furanes avait beaucoup diminué depuis la mise en
oeuvre de mesures de dépollution dans les usines; par ailleurs, aucun contaminant n'est présent en concentrations supérieures aux valeurs seuils indiquées par les directives fédérales sur la qualité de l'eau ou par les critères provinciaux pour la
protection de la vie aquatique. Bendell-Young et d'autres se préoccupent particulièrement de la biogéochimie des vasières intertidales du delta du Fraser. Des secteurs spécifiques de la zone intertidale ont subi l'influence de sources ponctuelles
de pollution, telles que l'usine de traitement des eaux usées de l'île Iona, qui ont introduit des métaux à l'état de traces et des contaminants organiques dans ces régions très productives. Il est impératif de bien comprendre les processus
biogéochimiques qui s'opèrent dans ces régions afin d'évaluer les effets à long terme de l'introduction de ces polluants. Brand et Thompson tentent d'établir les effets des polluants par l'étude toxicologique de poissons et d'invertébrés de
l'estuaire du Fraser. Leur recherche se concentre sur plusieurs espèces indicatrices chez lesquelles des effets toxicologiques peuvent être observés et identifiés. Les effets locaux de la pollution se manifestent dans la communauté des invertébrés
par des variations de la diversité des espèces ou par le remplacement de certaines espèces par d'autres plus tolérantes à la pollution. Plusieurs espèces de poissons, notamment les poissons plats qui se nourrissent sur le fond, sont exposées, soit
par contact direct ou par la consommation d'organismes contaminés, à divers contaminants liés aux sédiments. Dans l'estuaire, on a trouvé des biomarqueurs tels que des enzymes de détoxification, des métabolites de la bile et des lésions
précancéreuses ou cancéreuses chez ces espèces. Comme dans tout centre urbain, l'urbanisation et la qualité de l'infrastructure communautaire des soins de santé peuvent être à l'origine d'importants problèmes de santé humaine. Hertzman signale que
l'exposition des enfants au plomb et la menace que pose la pollution par les matières en suspension sont deux des plus importants dangers pour la santé qui accompagnent l'urbanisation. L'exposition au plomb a diminué considérablement depuis que des
règlements ont éliminé l'ajout de plomb à l'essence. La pollution atmosphérique demeure toutefois préoccupante pour la santé. Jackson examine les effets atmosphériques de l'urbanisation de la région du delta. Lorsque l'on urbanise un milieu naturel,
il en résulte un certain nombre d'effets environnementaux sur l'atmosphère, dont la pollution est peut-être le plus sérieux. Parmi les composantes de la « soupe chimique » en suspension au-dessus de la région du delta du Fraser, l'ozone et les
particules inhalables sont celles qui portent le plus à l'inquiétude, à cause de leurs effets sur l'écosystème (surtout l'ozone) et sur la santé humaine (l'ozone et les particules). Les mesures prises par l'administration régionale devraient réduire,
ou tout au moins stabiliser, le niveau de pollution atmosphérique dans la région. Climat Les basses terres du delta du Fraser sont susceptibles d'être inondées si des phénomènes climatiques extrêmes se produisent, comme le remarque Woods dans le
présent volume. Le Fraser, dont le bassin hydrographique couvre environ 233 000 km2, est le plus important cours d'eau en Colombie-Britannique. Les inondations de l'estuaire et du delta peuvent, selon l'altitude et la position le long du fleuve, être
causées par les ondes de tempête qui prennent naissance dans le détroit de Georgia ou par le débit élevé dû aux crues printanières du Fraser. En outre, les fortes pluies automnales et hivernales, conjuguées au drainage médiocre et au haut niveau des
marées, causent l'élévation de la surface des nappes d'eau souterraines et l'inondation des zones endiguées. Des inondations importantes et destructrices se sont produites en 1894, en 1948 et en 1969. Le delta est maintenant entouré d'un ensemble de
digues et de stations de pompage destinées à protéger les zones émergentes des crues du fleuve et des ondes de tempête avec jets de rive. Il est à noter que la construction de bon nombre de ces digues et installations de pompage est antérieure à
l'instauration des codes du bâtiment, et qu'elles n'ont pas été conçues pour résister aux tremblements de terre. Une des questions d'actualité par rapport à la lutte contre les inondations a trait à l'entretien des ouvrages compte tenu de
l'évolution des priorités gouvernementales et des conflits reliés à l'environnement. On pourrait envisager de moderniser les ouvrages existants en fonction de normes plus strictes, ce que justifie l'ampleur de la croissance démographique et du
développement dans les zones touchées. Plus particulièrement, la modernisation devrait prendre en compte les effets de la sédimentation, des tremblements de terre, des variations relatives du niveau de la mer et d'éventuels changements climatiques.
Le climat a un effet important sur la diversité et l'abondance de la faune et de la flore et sur le rendement en biomasse dans le delta du Fraser et la région environnante. En outre, c'est l'un des éléments qui incitent les gens à s'installer dans la
région. Jackson résume les caractéristiques du climat local et de la topographie qui contribuent le plus à moduler le temps et le climat, et en dégage les effets à grande et petite échelle. L'océan, les montagnes, les vallées et l'urbanisation
contribuent tous à créer des conditions climatiques uniques qui varient à l'échelle locale. Par exemple, la température à Vancouver peut dépasser de 7 °C celle des régions rurales, en raison de l'effet d'îlot de chaleur qu'exerce la ville, et il
arrive que les montagnes environnantes reçoivent une précipitation trois fois plus abondante que les basses terres adjacentes. Ces variations, ainsi que les variations spatiales des matériaux du sol, exercent une nette influence sur l'écologie de la
région et sur les effets éventuels de l'activité humaine. L'approvisionnement en eau douce est également d'une importance cruciale pour la faune et la flore des basses terres du Fraser (y compris les humains, bien entendu). En général, on observe un
surplus de précipitation en hiver (de décembre à avril) et une pénurie en été, alors que la perte en eau due à l'évaporation excède l'apport en eau des précipitations. Le revêtement des surfaces naturelles a un effet énorme sur l'hydrologie des zones
urbaines, puisqu'il entraîne un ruissellement accru et la modification ou la suppression des cours d'eau naturels. En outre, l'irrigation agricole et les autres utilisations anthropiques de l'eau abaissent encore plus la surface de la nappe d'eau
souterraine en été, ce qui permet à l'eau salée du détroit de Georgia de pénétrer plus avant sous le delta, voire de contaminer les réserves d'eau. Le climat assure également au delta du Fraser sa riche diversité écologique, comme l'explique
Schaefer. La région abonde en marais, vieux champs, tourbières et terres agricoles, tous reliés aux écosystèmes marins environnants ainsi qu'aux forêts urbaines de Vancouver (au nord) et à celles des hautes terres de Surrey (au sud). Grâce à cette
richesse, le delta revêt une importance mondiale en tant que halte pour les oiseaux migrateurs qui empruntent la voie migratoire du Pacifique, ainsi qu'en raison du soutien vital qu'il apporte aux migrations des saumons sur le Fraser. Cependant, les
écosystèmes naturels du delta se sont sensiblement dégradés et sont toujours menacés par l'urbanisation et la croissance démographique. De grands projets de restauration et de gestion à court ou long terme sont en place dans plusieurs des zones
touchées. Quels effets l'évolution du climat aura-t-elle sur la région de lestuaire du Fraser? Voilà la question dont traite Taylor. L'accroissement des concentrations de gaz à effet de serre risque de provoquer une élévation de la température
moyenne du globe, ainsi qu'une augmentation de la précipitation totale. Sans intervention, la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone sera d'ici 50 à 80 ans le double de ce qu'elle était avant la révolution industrielle. Cette hausse
pourrait provoquer des modifications importantes du régime climatique et du niveau de la mer partout dans le monde. On ne peut qu'estimer l'ampleur et la chronologie des éventuels changements climatiques régionaux, ce qui complique la tâche de
prévoir avec exactitude l'évolution des systèmes physiques et biologiques dans la région du delta ou ailleurs au monde. Les conséquences possibles vont d'une élévation substantielle du niveau de la mer, susceptible de menacer les systèmes
d'endiguement du delta du Fraser, à l'accroissement de la pression d'immigration exercée sur le delta par des réfugiés environnementaux fuyant des pays ravagés par les changements climatiques. La connaissance des changements éventuels qui pourraient
exercer des pressions sur le delta du Fraser sera utile à la planification du développement de la région. Échange et commerce À l'arrivée des premiers colons européens, des peuples autochtones habitaient déjà la vallée fertile du Fraser depuis
peut-être bien 9 000 ans. Kew présente un bref historique des premiers villages de la région de l'estuaire, occupés par la société Halkomelem des Premières nations, une représentante de la culture salish du littoral. Le fleuve Fraser et le détroit
de Georgia dans lequel il se jette servaient de corridor de transport aux peuples autochtones; le delta du Fraser était donc un lieu de rencontre et d'échange pour bon nombre de communautés autochtones du sud-ouest de la Colombie-Britannique et du
Nord-Ouest de la côte du Pacifique. Les Autochtones des basses terres du Fraser avaient une structure et une infrastructure sociales très évoluées, qui ont survécu pendant des millénaires. Leur infrastructure sociale était analogue sous bien des
aspects - industrie, échange et commerce, leadership, logement - à celle de la civilisation qui occupe aujourd'hui cette région. La longue histoire de l'utilisation durable d'une terre généreuse par les Premières nations peut servir d'exemple pour
aider à réfléchir aux concepts fondamentaux de la durabilité. Comme le souligne Kew, pour que notre culture et notre société modernes puissent perdurer, nous devons comprendre, comme les sociétés des Premières nations, que les humains font partie
intégrante du système écologique. Tout comme les basses terres du Fraser étaient un centre d'échange et de commerce pour les Autochtones des siècles passés, elles sont aujourd'hui un centre de commerce international. Davis et Hutton expliquent le
rôle essentiel que joue le District régional de Vancouver en tant que point d'accès aux pays côtiers du Pacifique. Au cours du vingtième siècle, cette région s'est transformée d'un centre provincial de services administratifs, de services commerciaux
et de services de distribution en un point d'accès au réseau de plus en plus intégré des économies urbaines du littoral du Pacifique. Deux phénomènes connexes sont au coeur de cette transformation : la restructuration de l'économie métropolitaine et
la réorientation des marchés d'exportation. La restructuration de l'économie vancouvéroise résulte principalement d'un déplacement d'emplois dans la région depuis des activités d'extraction (agriculture, mines, forêts et pêches) et de fabrication
vers des activités de service. Ce déplacement a eu pour effet la domination progressive des services à la production, soit les services professionnels et techniques (p. ex. le génie, les télécommunications et les services conseils en gestion) à forte
composante d'information qui nécessitent une main-d' oeuvre hautement qualifiée. Comme les services à la production acquièrent de plus en plus de valeur sur les marchés mondiaux, leur exportation à partir de la région poursuit sa croissance. Les
marchés d'exportation qui connaissent l'essor le plus rapide dans ce domaine sont situés sur le littoral du Pacifique. Les principaux liens entre la région de Vancouver et le littoral du Pacifique sont les voyages et le tourisme, l'immigration, la
finance et les placements, ainsi que l'orientation sociale et culturelle du Grand Vancouver, qui se tourne de plus en plus vers l'Asie. Gestion et durabilité L'intégration de tous ces enjeux, aux intérêts parfois concurrents ou incompatibles, est un
problème de gestion fort complexe. Dorcey situe ce problème dans le contexte du programme de gestion de l'estuaire du fleuve Fraser (Fraser River Estuary Management Program). Cette initiative facilite la coordination des activités de plus d'une
centaine d'organismes pour la mise en oeuvre du plan de gestion de l'estuaire du Fraser, qui a pour but d'améliorer la qualité de l'environnement tout en offrant des perspectives de développement économique et en aidant à maintenir la qualité de la
vie dans l'estuaire et la région environnante. La gestion de l'estuaire du Fraser ne se résume pas à un problème scientifique; elle met également en jeu la communauté juridique, notamment en ce qui concerne le règlement de conflits entre intérêts
concurrents. Dans son article, Paisley décrit le cadre juridique de l'intendance de l'estuaire du Fraser et analyse le rôle des lois et du système juridique dans la conservation et la protection des ressources naturelles de l'estuaire du Fraser, tout
particulièrement le saumon du Pacifique. Il conclut qu'il faudra mettre beaucoup plus d'accent sur l'observation et l'application de la loi, l'utilisation créative d'information scientifique pour la prise de décisions relatives à l'environnement, et
la mise en oeuvre des forces du marché afin d'assurer la durabilité des ressources de l'estuaire du Fraser au XXIe siècle. Le but ultime des pratiques de saine gestion pour l'estuaire du Fraser est de permettre aux nombreux intéressés, y compris le
milieu naturel, de coexister d'une façon durable. Depuis l'arrivée des premiers occupants dans la vallée du bas Fraser, cette région a été modifiée, en grande partie de façon non durable, par le développement effectué en fonction des humains. Mooney
examine un modèle de durabilité fondé sur des principes d'écologie du paysage pour la région de l'estuaire du Fraser, le compare au modèle de développement actuel, qui est fondé sur des principes de compartimentation, et propose comme bases pour
l'utilisation durable du territoire l'adoption du modèle fondé sur l'écologie du paysage et l'incorporation de la notion de diversité dans la planification et le développement du paysage. Nous devrions peut-être suivre les leçons des Premières
nations et assurer une judicieuse intendance à notre milieu naturel, de manière à pouvoir vivre en harmonie avec ce dernier et en tirer avantage pour les siècles à venir. Dans le dernier article de ce bulletin, Woollard et Reese tentent de cerner le
concept de durabilité et mettent en question le rôle de la science dans la réponse aux problèmes complexes posés par la dégradation environnementale et les risques pour l'environnement dans la région de l'estuaire du Fraser. Les auteurs soutiennent
que la clé de la durabilité consiste à tisser des liens solides entre les sciences naturelles et autres traditions intellectuelles, d'une part, et les sciences humaines, d'autre part; de construire des ponts qui nous permettront de mieux comprendre
nos valeurs collectives, mieux utiliser les outils dont nous disposons pour recueillir et disséminer l'information, mieux comprendre les conséquences écologiques de nos actions, et mieux aider nos structures politiques et sociales à acquérir les
connaissances requises pour agir de façon judicieuse. |